Le Mittelstand allemand, le chaînon manquant de l’économie marocaine
Auteur : Mohamed Bouamama
La « mondialisation » de l’économie a changé en quelques décennies les économies nationales. L’internationalisation de la concurrence a forcé les entreprises à grossir. Néanmoins, le tissu des entreprises marocaines manque d’entreprises de taille suffisante pour être compétitives sur les marchés étrangers, à l’inverse des économies fortement exportatrices, comme l’économie allemande, ou innovantes, telle l’économie américaine.
Le Mittelstand allemand désigne les entreprises familiales de taille moyenne, majoritairement industrielles, qui ont développé un système de management basé sur une innovation importante, une spécialisation dans des « niches » de haut de gamme, un service client bien géré, une gestion des ressources humaines proche des attentes des salariés et qui privilégie la production en Allemagne, etc. Il s’agit tout simplement des PME allemandes. Leur équivalence en France sont les entreprises de taille intermédiaire (ETI), une catégorie comprise entre les grandes entreprises (GE) et les petites et moyennes entreprises (PME). L’Allemagne compte 13 000 Mittelstand, alors que la France en compte 5 400, autour de 10.000 au Royaume-Uni et très peu présentes au Maroc.
Le Mittelstand allemand joue un rôle moteur dans la compétitivité, et sur la forte présence de l’économie germanique sur les marchés extérieurs. Il participe autour de la moitié du PIB allemand. En outre, des études montrent que les entreprises de culture Mittelstand investissent environ 5 % du chiffre d’affaires dans la recherche et le développement, là où les grandes entreprises internationales les plus en pointe n’investissent en moyenne que 3,6 %. La force du Mittelstand s’appuie sur sa capacité à répondre, par des produits très spécialisés et innovants, à une demande mondiale de machines-outils et de biens d’équipement professionnels. Donc, le Mittelstand est fondé généralement sur une stratégie de niche et de haut de gamme, l’innovation, la qualité du capital humain, un écosystème efficace et des marges élevées.
Le Maroc pourra s’inspirer de ce cycle vertueux du Mittelstand en se lançant dans une ambitieuse politique industrielle. On peut dire que le Mittelstand est ainsi le chaînon manquant du tissu économique marocain. Plus grave encore, les analyses montrent que le Maroc manque d’entreprises dites « performantes » : des entreprises exportatrices, maîtrisant la technologie et spécialisées sur un créneau de technologie‐application‐marché, des entreprises disposant d’une taille suffisante, à la fois locale et globalisée, pour exercer un rôle de leadership mondial.
Avec un déficit de la balance commerciale qui se creuse de 25% en 2021, un classement en 77e place parmi les 132 économies figurant dans l’indice mondial de l’innovation 2021 (GII 2021), un taux de chômage de 12%, une dominance du secteur des services qui représente 49,5% du PIB par rapport au secteur industriel (25,9% du PIB) et 12,3% du PIB pour le secteur agricole… et une population d’environ 38 millions habitants en 2022, Le Maroc a intérêt à mettre en place une stratégie créatrice de richesse et d’emplois. Le Mittelstand à la marocaine pourrait être un écosystème économique et politique capable de créer une économie plus compétitive et sans doute un nouveau levier de développement.
Ainsi, pour relancer l’économie marocaine, l’Etat devrait encourager l’industrie via la création de Mittelstand capable d’innover, de répondre au besoin du marché national et aussi exporter à l’international. En outre, La mise en oeuvre de mesures politique et économique destinées à faire croître la taille des entreprises est recommandée, de façon à agrandir ce vivier d’entreprises. Par leur taille et leur souplesse, le Mittelstand à la marocaine pourrait être une bonne solution pour générer plus d’avantages compétitifs dans la conquête de marchés, en particulier de niches ou innovants. Il est à noter que cette catégorie d’entreprise crée plus d’emplois. La création de plus de Mittelstand au Maroc pourrait contribuer significativement à absorber le chômage et à réduire les problèmes économiques, sociaux et financiers. Ainsi, le Mittelstand à la marocaine est le chaînon manquant de notre économie et spécialement de nos structures industrielles.